
Sonia Mejri, revenante de Syrie, va devenir la première Française à être jugée pour le crime de génocide, après la non-admission du pourvoi de cette femme qui conteste avoir réduit en esclavage une adolescente yazidie au printemps 2015 ( AFP / Damien MEYER )
Sonia Mejri, revenante de Syrie, va devenir la première Française à être jugée pour le crime de génocide devant la cour d'assises de Paris, après la non-admission du pourvoi de cette femme qui conteste avoir réduit en esclavage une adolescente yazidie au printemps 2015.
Selon des sources proches du dossier à l'AFP, Mme Mejri, 36 ans, sera non seulement la première revenante française de Syrie à comparaître en France pour génocide sur les Yazidis, minorité ethno-religieuse kurdophone, mais aussi la première Française à être jugée, de manière générale, pour ce crime passible de la réclusion criminelle à perpétuité.
Sonia Mejri sera également jugée pour d'autres infractions terroristes et pour complicité de crimes contre l'humanité.
Elle comparaîtra détenue devant la cour d'assises spéciale de Paris, à une date encore indéterminée.
"L'innocence de ma cliente sera prononcée par les juges du siège", lors du procès, a réagi l'un de ses avocats, Nabil Boudi.
Un juge d'instruction antiterroriste parisien avait initialement ordonné en septembre 2024 ce procès pour Abdelnasser Benyoucef, un émir du groupe Etat islamique (EI), et son ex-épouse Sonia Mejri, les soupçonnant d'avoir réduit en esclavage, au printemps 2015, une Yazidie âgée de 16 ans.
M. Benyoucef "savait qu'en acquérant" l'adolescente "et en la soumettant à un enfermement, à des viols répétés et à des privations graves, il participait à l'attaque dirigée par l'EI contre la communauté yézidie", avait justifié le magistrat.
Sonia Mejri était présentée comme "garante de l'enfermement" de la jeune Yazidie: elle détenait la clef de l'appartement et portait, selon l'ordonnance de mise en accusation consultée par l'AFP, une arme pour la dissuader de fuir.
Il lui était notamment reproché "des atteintes graves à l'intégrité physique et psychique" de cette adolescente, soumise à son domicile "à des conditions d'existence de nature à entraîner la destruction" de sa communauté.
- "Plan concerté" -
Mais la cour d'appel de Paris avait partiellement infirmé en janvier ce renvoi, estimant plusieurs victimes nécessaires pour retenir le crime de génocide.
"Les magistrats de la cour d'appel n'ont pas réussi à se mettre d'accord sur les charges, c'est dire la fragilité et la faiblesse de l'accusation", a souligné Me Boudi.
En mai, la Cour de cassation avait au contraire considéré que l'on pouvait bien être poursuivi pour génocide en ne s'en prenant qu'à un seul membre d'un groupe faisant l'objet d'"un plan concerté tendant à sa destruction totale ou partielle".
La chambre de l'instruction a fini par avaliser début juillet ces poursuites pour génocide, avant le feu vert définitif en cassation le 1er octobre.
Les violences sexuelles ont été utilisées par les jihadistes de l'EI comme des armes pour briser la résistance des Yazidis et instaurer un climat de peur généralisé. En atteste notamment l'instauration de marchés aux esclaves sexuelles.
La parole de la victime est au coeur de ce dossier. Son avocat, Romain Ruiz, n'a pas souhaité faire de commentaires à ce stade.
Retrouvée par les enquêteurs, elle a affirmé avoir été séquestrée pendant plus d'un mois au printemps 2015 en Syrie, et n'avoir pu ni boire, ni manger, ni se doucher sans l'autorisation de Sonia Mejri.
Elle accusait aussi cette dernière de l'avoir violentée et d'avoir été au courant que son mari la violait quotidiennement.
Son témoignage faisait écho à de nombreux rapports d'associations décrivant la stratégie de l'EI pour s'attaquer aux Yazidis: marchés aux esclaves, instauration d'un "département des butins de guerre"...
Sonia Mejri avait elle contesté toute infraction liée à la jeune Yazidie: son ex-mari en était le "propriétaire", avait-elle déclaré au cours de l'enquête, et elle n'avait "aucun droit" sur elle.
"La Licra se satisfait" de la tenue de ce procès, a précisé Ilana Soskin, avocate de l'association.
"Les accusations ne sont ni faibles ni fragiles: elles sont fondées, factuelles, et juridiquement solides", a abondé sa consoeur Inès Davau, pour l'ONG Free Yezidi Foundation, estimant que face à "l'impunité persistante", "il est temps que justice soit rendue".
Visé par un mandat d'arrêt et présumé mort depuis 2016, Abdelnasser Benyoucef devrait lui être jugé par défaut comme auteur de génocide et de crimes contre l'humanité et pour des infractions terroristes.
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